On the blog again... après 4 jours de bivouac et de balade dans les monts Zagros.
Je vous raconte?
Il y a eu un peu de tourisme. A Kermansha avant de quitter la région nous avons visité le site de Bisotoun et ses fresques en l'honneur de Darius, malheureusement encore en réfection (la fresque, pas Darius...), décidément, nous n'avons pas de chance... Mais le site était beau, écrasé de chaleur et un peu rafraîchi par ces jardins que les iraniens affectionnent. Et où ils adorent se prendre en photo (ou nous prendre en photo...)
C'est tout pour le tourisme... Nous nous y remettons demain car nous sommes arrivés à Shiraz.
Et nous avons roulé, sur des routes plus sublimes les unes que les autres, et sur des pistes incroyables au milieu de montagnes et de paysages dont je n'avais pas idée de l'immensité avant d'être ici.
D'abord jusqu'à Gamasyiab, sur un ruban de goudron qui traversait un massif en camaïeu de brun, beige et marron, une mosaïque de champs en friche, cultivés ou labourés, aux courbes d'une douceur apaisante et d'une profondeur infinie. Il y a des paysages qui vous donnent le frisson et c'en était un. Et l'accueil chaleureux de tous les gens que nous rencontrons nous rend encore plus sensibles à la beauté des lieux. Les welcome, les sourires, les grands signes de la main et les pouces dressés nous font chaud au coeur... Ils ne cachent vraiment pas leur joie de nous voir visiter leur pays, ces iraniens, les jeunes surtout.
Il y a encore beaucoup de Kurdes ici, reconnaissables à leurs pantalons très larges à la taille et resserrés aux chevilles. Et nous commençons à croiser des Bakhtiari, ces nomades qui transhument des rivages du golfe persique dans les monts Zagros où ils viennent passer les mois chauds, leurs troupeaux de moutons et leurs grandes tentes de style bédouin.
Ensuite jusqu'à Baznavid puis en s'enfonçant dans les monts Zagros, le long de journées marquées par des pistes particulièrement spectaculaires et acrobatiques et le franchissement de plusieurs cols sportifs, dont un ou deux à plus de 3000 mètres, mais aussi malheureusement par beaucoup de casse chez les Toyota... Les dieux des paysages inoubliables sont avec nous mais pas ceux de la mécanique! Un demi arbre de transmission arrière droit sectionné pour François le baroudeur, un turbo cassé pour Henri (pas le mien, Henri G., rebaptisé depuis, en attendant l'arrivée de sa pièce de rechange à Téhéran, Henri-sans-turbo), et une crémaillère de direction HS sur un troisième véhicule. Tout ça le même jour, celui de l'arrivée de Laurent parmi nous. Mais heureusement, le magicien de la mécanique, le Mac Gyver des causes perdues, la bonne fée des Toyota est bien là. C'est Pascal, le mécanicien du raid, assisté de son compère Jean-Claude, qui diagnostique, répare, rafistole, et fait repartir cahin-caha tous ces éclopés du moteur en y passant la nuit au besoin...
Tout ceci ne nous empêche pas d'avancer au travers de paysages aussi éblouissants que sauvages. Difficile de trouver les mots pour décrire ces massifs extraordinaires qui dégringolent sur des gorges à tomber, ces perspectives incroyables qui s'ouvrent toujours sur d'autres perspectives plus incroyables, ces pistes qui dessinent des lacets sans fin et pourtant que nous finissons par avaler. Hier, le paysage s'est même enrichi de rivières émeraude et de rizières souvent en terrasse. Contraste photogénique du vert tendre des cultures et de l'ocre des montagnes. Je cale ! Si j'étais américaine, je me contenterais d'un seul mot : amazing!!! (prononcer eumeillezing). Mais je suis française, alors waouh ! (prononcer waouh). Bien sûr, on peut aussi se taire et regarder les photos mais ce soir, un bug, à moins que ce ne soit la wifi défaillante, ne me permet pas de les ajouter...
Ce matin, si...
Les Bakhtiari sont parfois un peu rugueux de contact, mais plus nous avançons dans le Zagros, plus le sourire et la chaleur reviennent. Nous avons croisé beaucoup de bergers habillés d'une curieuse veste de laine noire et blanche formant comme les touches d'un piano et des moutons coiffés de henné. C'est désormais fini. Mais le costume des femmes, depuis 2 jours, scintille littéralement, formant là aussi un joli contraste avec les dark tchadors qui passent ça et là.
Les pique-niques sont des moments de convivialité sans cesse renouvelée. Tantôt avec les habitants qui nourrissent gratuitement ceux qui bivouaquent à l'ombre sur une place de village. Tantôt avec la police qui ne nous laisse pas nous installer dans le champ que nous avions repéré mais nous escorte jusqu'à un meilleur emplacement, et décide de monter la garde devant nos voitures, jusqu'au moment où ils nous font repartir, sans doute fatigués d'attendre alors que nous serions bien restés un peu... Tantôt avec des chèvres Bakhtiari qui s'invitent à notre table, héritage de siècles d'éducation probablement, puisque selon notre guide Azar, c'est en Iran que la chèvre a été domestiquée pour la première fois, ou bien tout simplement, marque d'un appétit vorace pour notre saucisson. Tantôt, et pour le plus grand plaisir de Muriel, avec des guêpes attirées indifféremment pas tout ce qui se mange ou se boit.
Et nous savourons les bivouacs, toujours placés dans des sites exceptionnels, la plupart du temps loin de la route et de toute habitation. Les voiles tombent et les manches raccourcissent instantanément. Les bouteilles sortent des voitures, les popotes se préparent et les groupes se forment et se déforment, autour de jeux de cartes, de musique et de chansons ou de simples discussions arrosées. Hier soir, pourtant, des policiers municipaux sont venus faire une incursion, manquant de surprendre quelques unes d'entre nous au sortir de leur douche. Nous voilà obligées de remettre nos voiles et de nous couvrir les bras, alors que la température est incroyablement douce pour 2000 mètres d'altitude. En attendant qu'Ali, lui aussi retardé par une panne, n'arrive, puis leur explique, ré-explique, ré-ré-explique que tout est sous contrôle, que Téhéran a prévenu la police de la région et qu'ils n'ont rien à faire là. Mauvaise coordination entre services, nous dira-t-il une fois les flic partis, très énervé, en buvant son pastis...
En fait, pas une journée sans contrôle (selon le diction iranien). Il y a 3 jours, c'était Christian et Francine, le lendemain, c'était nous. Toujours le même scénario : des civils en voiture banalisée nous demandent nos passeports. Et la lettre magique nous évite la plupart du temps de les sortir et les fait repartir sur un "Welcome to Iran!". Les flics en civil sont généralement des gardiens de la révolution, la police religieuse. Les flics en uniforme, eux, sont bien circonvenus, par un collaborateur de l'équipe d'Ali qui précède notre passage d'une journée, et leur donne la liste des voitures. Il n'est d'ailleurs pas rare d'en voir, à un carrefour, photographier nos plaques et cocher la liste.
Et je terminerai cet épisode sur un moment magique que nous avons vécu hier soir, quelques kms avant le bivouac : des paysans hommes et femmes qui battaient le riz sur la route et nous ont demandé de rouler dessus avec nos 4X4. Discussion, thé, photos, rire et bonne humeur, tandis que des gamins appellent sur leur portable le reste du village à venir nous rejoindre. Un joli instant partagé à l'heure où les visages et les paysages sont les plus beaux au naturel... et en photo!
Espérons que demain, je pourrai vous montrer des images... et continuer ce blog en vous racontant Shiraz...
A suivre...