Cinq jours et leurs ambiances à raconter… ça va être long…
Asseyez-vous confortablement, prenez un verre, et c’est parti !
Départ d’Ispahan dimanche dans le vent, sous un ciel plombé et quelques gouttes de pluie qui se sont transformées en vraie bourrasque. De quoi se croire au milieu de l’Islande ! Heureusement, passées les montagnes, le soleil revient sur le désert du Dash e Kevir…
Au loin, une nouvelle chaîne de montagnes, qu’on devine peu à peu, barre l’horizon. Au bord de la route un panneau écrit en farsi est traduit en français : « Bon voyage » ! Le ciel est toujours laiteux et brumeux, à moins qu’il ne soit sableux. Pourvu qu’il n’y ait pas de tempête de sable. Car le clou de l’après-midi, ce sont des dunettes, 30 kms de sable qu’il nous faut traverser avant d’arriver au bivouac.
Les conducteurs s’éclatent, pneus dégonflés à 1.5/1.6 pour négocier le sable sans s’y enfoncer. Et le ballet des 4X4 commence. On dirait de grosses ballerines sans tutu qui font des entrechats lourdingues et du pas glissé à droite à gauche, valsent sur les tours et détours des traces de la danseuse de devant, dandinent du popotin de bosse en bosse jusqu’en haut des crêtes et disparaissent, la roue de secours en l’air, sur l’autre versant de la dune. Au volant, chaque chauffeur est concentré, attentif à repérer à temps le sable mou, à suivre la trace sans trop accélérer ni freiner, à ne pas partir en devers… Et se répète les conseils de Laurent au briefing du matin. Toujours dans le sens de la pente, ne pas insister quand ça patine, ne pas rester trop près les uns des autres… La conduite sur le sable, c’est un peu comme la Guerre des étoiles : si tu restes du bon côté de la force, tu avances ou tu recules, si tu passes du mauvais côté, tu t’enfonces… et tu te tanques !!! Quand on est novice comme nous, la solution, c’est de suivre un maître Jedi qui vous montre ce qu’il faut faire et – encore plus précieux – ce qu’il ne faut pas faire. Mais quand on est un maître Jedi (hein J.P. ?), et qu’on fait la trace, c’est beaucoup moins facile, surtout quand son 4X4 a vraiment un gros derrière bien lourd…
Sans doute l’effet des dunettes, le bivouac qui suit est dantesque. Après l’apéro, somptueux, offert par les Lands Rover (3 équipages plus-cool-tu-meurs) et un dîner vite expédié, la soirée musicale qui suit est absolument déchaînée : danses avec des chaises, farandoles sauvages, braillements à tue-tête qui ne réveillent même pas la moitié des gens qui dorment, sans doute épuisés par le sable. Une mention spéciale pour Jacquot dansant avec son chapeau de cowboy et des lunettes de ski. Sans doute en prévision d’une tempête de sable déclenchée par notre folie collective. Mais c’est la pluie qui est venue finalement dans la nuit.
L’étape suivante est beaucoup plus calme, mais très plaisante avec de longues pistes remontant des oueds à sec, plongeant dans des défilés à pic, serpentant entre dunes et chaînes de montagnes. Evocation mélangée de Namibie et de Patagonie.
Nous croisons un magnifique troupeau de chèvres avec son non moins magnifique berger perché sur son âne, venu nous saluer. Avec son visage buriné, son teint cuivré et son turban, il ressemble à un afghan. L’Iran est multiple décidément…
Joli bivouac reposant au pied d’une dune spectaculaire (sauf pour Jacquot, occupé à démonter et remonter avec Pascal-le-mécano, son amortisseur avant-gauche, dont l’écrou supérieur de fixation a lâché). Se coucher tôt ne nuit pas…
Au matin suivant, F. a peur… De quoi ? De la longue traversée de dunes annoncée. Elle n’aime pas depuis que C. est parti en devers l’avant-veille, lui donnant l’impression que la voiture allait se retourner…
Mais tout se passe bien, à part quelques énervements sur la fin, suite à des dépassements vécus comme des queues de poisson dangereuses et empoussiérantes par certains (les dépassés) et comme des dépassements anodins et sans intentions de faire peur par les autres (les dépasseurs). Résultat : un rappel aux règles sur les ondes et une grosse bouffée de colère à la sortie des dunes…
Calmons-nous et reprenons la route, sans oublier au passage, de regonfler nos pneus et de remettre nos voiles…
A l’heure du déjeuner, c’est au tour de Titine (c’est notre HDJ 100) d’avoir ses vapeurs : elle a le préfiltre à gasoil encrassé, figurez-vous. Le problème est heureusement vite diagnostiqué et réparé (nous avons la pièce), par nos potes Pokemons forts en mécanique.
Nous devons ensuite être les seuls du groupe à profiter pleinement des très vieilles mosquées de Damghran (1er siècle après l’Hégire), car le gardien arrive en même temps que nous pour nous ouvrir les portes.
Mais nous partageons avec tous la route puis la piste qui grimpent dans les montagnes du nord. Car nous quittons le désert pour la montagne… Paysage minéral et coloré de rose, vert (du cuivre sans doute), beige, gris, à couper le souffle, qui cède peu à peu la place à des pentes boisées.
On aimerait d’ailleurs que la piste n’en finisse pas tant elle est belle… Et le bivouac nous attend en haut d’un chemin raide et caillouteux, où certains ne s’aventureront pas, de crainte d’abimer leurs belles cellules… Nous sommes à 1800 mètres d’altitude, au bord d’une forêt de genévriers, thuyas, pyracanthes et petits chênes verts (quand on blogue, il faut savoir s’entourer de spécialistes, c’est vrai de la botanique comme de la mécanique…).
Au matin suivant, nous reprenons la piste cabossée pour une brève halte en dessous du campement, aux châteaux de coton, des sources en cascades d’eau calcaire, ferrugineuse et même soufrée, qui forment des vasques d’un bleu d’opaline, dans la lumière du début du jour, avant de poursuivre notre route à l’assaut des montagnes du nord.
La route est toujours aussi belle, au milieu des reliefs arides ponctués de vallées aux peupliers qui hésitent entre vert tendre et jaune d’or, car l’automne arrive ici aussi.
Au chapitre des rencontres, celle que j’ai préférée est celle de bergers au bord d’une rivière dans laquelle Franck voulait ab-so-lu-ment se tremper les pieds. Une vraie table ouverte avec riz aux herbes et mouton, grenades, thé. L’hospitalité des iraniens gêne certains d’entre nous qui culpabilisent de manger leur pain. Le coach qui sommeille en moi dirait qu’il n’est pas donné à tout le monde de savoir accepter. Henri, lui, accepte de bon cœur et sans cacher sa joie !
Mais notre clou de l’étape est une longue piste vertigineuse qui clôture la journée. Le genre de piste que l’on est content de faire par temps sec et sans chargement de nitroglycérine ! Il s’agit d’atteindre notre bivouac qui culmine à 2600 mètres d’altitude en passant par un col à 2800. Ca et là, des villages accrochent leurs toits de tôle peinte en orange, rouge, vert et bleu pétard. Il y a de la vie dans cet univers minéral…
Le bivouac était annoncé frisquet. Et pourtant la température reste supportable grâce à l’absence de vent et surtout au côtelettes d’agneau achetées le matin même au boucher d’un des villages traversés (4€ les 6 côtelettes !!!) et à une ratatouille maison faite dans les règles de l’art niçois.
Ce matin, nous partageons notre dernier petit déjeuner de bivouac (en claquant des dents car il fait 4 degrés dans le camp) avec 9 des 22 équipages de ce raid, ceux qui ne font pas l’extension dans le désert du Lut. Ils nous quitteront à la fin des premiers 55 kms de piste de la journée, pour bifurquer vers la mer Caspienne et prendre le chemin du retour, alors que nous partirons vers Téhéran et Yazd. On va vous regretter, Muriel et Franck, Pokemons émérites, et tous les autres aussi : Raymond et Dominique, Elisabeth et Jean-François, Kléber et Annie, Michèle et Jean-Luc, Jean-Pierre et Pascale, Catherine et Roland, Jean-Pierre et Marie-Blanche et… flûte, il me manque un équipage, dingue, non?
La piste se poursuit, toujours aussi vertigineuse et âpre.
Le contraste est d’autant plus grand avec les villages que nous traversons, tout en douceur et bucoliques, ombragés par de grands peupliers et des champs de pommiers et rafraichis par une jolie rivière où barbotent oies et canards. Bucoliques je vous dis… Les paysans y vaquent à leurs occupations et nous saluent. L’un d’eux embrasse même J.P. qui l’a aidé à débarrasser la piste des troncs d’arbres qui obstruaient le passage. Des femmes devant leur maison nous arrêtent et nous offrent des pommes et des gâteaux secs faits maison.
Il faut dire que partout on nous fait des cadeaux : hier, c’était une petite citrouille, la veille des clémentines, aujourd’hui des pommes… Certains vieux nous font de vrais discours en farsi. Les femmes sont plus chaleureuses et débordent de marques d’affection, elles nous serrent la main, nous étreignent, nous embrassent… L’une d’entre elles a voulu prendre Doudou en photo, mais sans son voile. Du coup, Doudou lui a demandé d’enlever le sien aussi et elles ont fait des photos ensemble tête nue. Dans un restaurant, il y a quelques jours, Joëlle a été incitée par le patron à se découvrir la tête. Dans les villages de campagne et de montagne, on ne sent pas vraiment la pression religieuse. D’ailleurs, pas l’ombre d’un tchador dans ces parages.
Mais ce soir nous sommes à Téhéran et c’est une autre histoire…