Vous êtes prêts pour l'expérience inoubliable du désert du Lut? Le temps d'enlever le sable de ma souris, et si la Wifi laborieuse de cet hôtel me le permet... allons-y!
Nous commençons par une longue étape et deux petites visites de caravansérails au sud de Yazd. Le premier à Zein o Din est reconverti en hôtel de charme, le genre d’endroit où nous aurions aimé faire une escale. Les chambres tiennent dans des sortes de grands placards avec leurs deux matelas posés à même le sol. Elles tournent autour d’une cour fraîche et qui appelle au repos et à la méditation. Le tout décoré avec beaucoup de goût.
Henri rêve d’un séjour dans ce caravansérail et d’excursions au pied de la montagne avoisinante à la recherche de cheetas. Car figurez-vous qu’ici vit le seul guépard d’Asie, malheureusement menacé d’extinction : on n’en dénombre plus que 70 !!!
Le second caravansérail se trouve 30 kms plus loin, à Kermanshah. Il est resté dans son jus. Il sert de bergerie à des troupeaux de moutons à longues oreilles. Sans rire, certaines brebis pourraient jouer sans masque le personnage de Jay Jay dans La guerre des étoiles. Je me demande si elles ne se marchent pas sur les oreilles de temps en temps…
Le bâtiment est magnifique avec des voûtes sombres superbement construites, d’où s’échappent à grand bruit des colombes et des pigeons que notre visite dérange.
Le fast food iranien que nous testons sur la route n’est concluant ni sur le côté fast (very slow food serait plus approprié) ni sur le côté food. L’essayer n’est vraiment pas l’adopter.
Tout ceci ne nous met pas en avance. D’autant que nous nous faisons arrêter deux fois par la police, une fois Jean, une fois nous, avec à la clé une petite leçon souriante et bonhomme pour nous sur la vitesse et, dans les deux cas, une curiosité policière satisfaite sur nos belles voitures. Et que nous perdons beaucoup de temps à trouver une station-service disposant à la fois de gasoil et d’une carte pour les étrangers. Or, il nous faut impérativement faire le plein pour 4/5 jours et 800 kms de hors piste.
Résultat, nous arrivons entre chien et chat à la piste finale d’avant bivouac, qui, bien que très courte (2 kms), est sableuse et traître. Assez en tous cas pour manquer de nous ensabler avec nos pneus gonflés pour le goudron. Trop tard pour vraiment admirer les qaluts, ces sculptures dessinées par le vent et l’érosion, au milieu desquelles nous plantons ce soir nos 4X4. Ce sera pour demain…
C’est beau les Qaluts dans la lumière du petit matin. Et ça démange tous ces conducteurs de 4X4 d’aller jouer dans le bac à sable… Nous grimpons les escarpements, descendons les versants plus ou moins à pic, explorons les canyons. Facile ! Le sable est encore dur à cette heure matinale… et les voitures s’y glissent sans problèmes. Autour de nous se dressent des villes en ruine, des forteresses écroulées. Persepolis est là. Plus étonnant, Jaisalmer aussi…
Mais tout a une fin. Il nous faut reprendre le bitume pour 150 kms avant les 40 kms de piste et de dunes conduisant au bivouac du soir. Et plus question de faire du hors-piste. Ali nous a prévenu. Verboten !!! Risque de mines !!! Ça ne rigole pas par ici : nous sommes à moins de 150 kms de l’Afghanistan et l’armée est omniprésente. Elle semble d’ailleurs plus craindre les trafics de drogue que des incursions d’organisations terroristes.
Nous avons tous rendez-vous à l’entrée de la piste, près d’un poste de police, où il n’est pas exclu que nous bénéficiions d’une escorte jusqu’au désert. Mais c’est finalement notre petit groupe, à la traîne comme d’habitude, qui se fait contrôler par 2 militaires lourdement armés. « Where are you going ? It is forbidden to go to desert… ». Le chef lit la lettre magique, tout en se grattant la moustache d’un air perplexe. Finalement, il décide de nous accompagner jusqu’au poste de police où nous devons retrouver le groupe, à 70 kms de là. Mais lâchera prise une vingtaine de kms plus tard…
L’entrée dans les dunes du Lut est un grand moment.
Le sable ne nous fait pas de cadeaux cet après-midi-là… Et nous sommes nombreux à nous tanquer… 3 fois de suite dans le même rayon de 50 mètres en ce qui nous concerne. Mais qu’est-ce qu’on est venus faire dans cette galère ? C’est quoi ces dunes qui ne nous laissent pas passer ? Finalement, nous contournons les grosses difficultés du terrain, pendant que Laurent et les mécanos, qui ont voulu couper directement, s’ensablent profondément.
(Pendant que j’écris ces lignes au bivouac du lendemain soir, histoire de gagner du temps, j’écoute distraitement les conversations autour de moi. « Ce n’est pas parce qu’il y a des chameaux qu’il y a des bédouins » « ?… » Bon, je retourne à mon blog, moi…)
Comme à chaque montée d’adrénaline du désert, les apéros du bivouac sont homériques, cette fois sur fond de rock Blues Brothers. Allez, au lit, demain promet d’être encore une journée sportive !!!
Et effectivement, ça commence très fort… Nous mettons plus 3 heures pour faire les 10 premiers des 75 kms de dune de l’étape. Il faut dire que les franchissements sont acrobatiques. On serre les fesses dans les montées, on s’accroche à la portière dans les virages à la limite du devers dans le sable mou et on ferme les yeux en haut des descentes à 45° quand la voiture « casse » en haut d’une crête sans nous laisser voir ce qui nous attend sur l’autre versant…
Mais ça passe…
Et tout à coup, dans la radio : « Une voiture a basculé ! ». Effectivement, nous revenons sur nos pas pour découvrir une voiture retournée au pied d’un mur de sable, pas très haut, mais à pic. La Toyota 90 de nos amis M. et J. Un virage pris un peu trop au ras du bord et le véhicule a glissé en devers et s’est retourné. Quelle émotion ! Heureusement, plus de peur que de mal… Les passagers sont un peu secoués mais totalement indemnes. Même la voiture n’a rien, à part une tente de toit dont les attaches sont cassées et 2 roues déjantées. Une fois sur pneus, et même si les bonnes volontés ne manquent pas, il faudra tout de même 2 à 3 bonnes heures pour remettre tout en place et nettoyer le moteur. Avant de la faire repartir comme si de rien n’était… Vive Toyota !!!
Ouf ! Après quelques autres labours de crête (auxquels nous contribuons modestement mais sûrement), la piste devient plus roulante et le sable plus dur. Et le reste de l’étape nous permet enfin d'avancer et d’admirer un paysage toujours aussi bluffant. A telle enseigne que nous arrivons à 15 h au bivouac au pied de grandes dunes. Henri, Jean et Leyla, la cousine d’Ali (une américano-iranienne en vacances ici et qui a décidé de nous accompagner dans le désert) grimpent (à pied) la plus haute et tentent une redescente sur bâche, peu concluante finalement.
Ici, nous vivons avec le soleil. Et comme nous sommes très à l’est, nous nous levons à 5h30, nous dînons vers 18h et nous avons du mal à nous coucher après 20h/20h30…
Là, il est 20h15 et je ne vais pas tarder à fermer le hayon…
Nous continuons à manger des dunes… Nous en avalons même une de 100 mètres de haut inclinée à 45 degrés environ (les spécialistes pourront contester s’ils le souhaitent…).
Chacun prend un maximum d’élan en remontant en marche arrière la pente d’en face. Puis s’élance. C’est quitte ou double, voire triple ou quadruple… Une puissance insuffisante, un changement de vitesse au moment inopportun et il faut redescendre en marche arrière tout le chemin parcouru et se préparer pour une nouvelle tentative. Certains franchissent l’obstacle du premier coup. Pour d’autres, il faudra une bonne demi-douzaine d’essais infructueux (parfois d’un cheveu…), avant de passer le sommet, souvent en s’étant allégés en cours de route de leurs coéquipières qui finissent l’ascension à pied. Pour nous, le deuxième essai sera le bon, mais nous arrivons un peu de biais sur la crête et il faut vite remettre les roues dans le sens de la pente pour ne pas partir en devers. Dans ces cas-là, tout le monde crie (y compris moi dans l’habitacle !) « A droite, à gauche, braque tes roues !!!... » Et Henri ne sait plus à quel saint se vouer.
Parfois, arrivées en haut, les voitures se rebiffent. Un Toyota décide ainsi, une fois ses 2 occupants sortis, soulagés d’être arrivés, de descendre tout seul la pente de l’autre côté. Et fait plusieurs centaines de mètres sans personne dedans. Heureusement, la pente est douce sur ce versant et J.P., tel Zorro, part rattraper le fugitif au volant de sa propre voiture !
Quelques égarements de participants, et pas mal d’ensablements à déplorer ce jour-là, pour nous aussi, 2 fois au moins, dont la seconde n’est pas piquée des vers. Il faut les pelles, les plaques de désensablement et le treuil de Christian pour nous sortir du trou dans lequel nous nous sommes enterrés…
Puis vient l’apothéose de cette fin d’après-midi, un spectacle inoubliable : la dune étoilée et les qaluts. Imaginez de grandes dunes noires au milieu d’un décor de tragédie grecque. Partout autour, ces qaluts, blocs de boue de sable séchée (?) posés comme des statues antiques, des sphinx immobiles, des guetteurs d’un autre temps, pétrifiés à jamais. Non, pas à jamais, car ce sont des héros aux pieds d’argile qui s’effritent sous la main.
Et c’est dans ce paysage fascinant que nous bivouaquons.
J’aimerais pouvoir dire seuls au monde. Mais un peu plus loin, un autre bivouac s’est installé. Des jeunes iraniens qui viennent s’éclater et sans doute lâcher un peu de vapeur dans le désert. Le soir, leur musique débridée fera longtemps concurrence à la nôtre. Et au matin suivant, nous les trouverons, cheveux défaits, voiles tombés, en short et débardeur, en train de rassembler paresseusement les restes de leur nuit alcoolisée.
Le Lut est d’ailleurs plutôt peuplé pour un désert soit disant interdit. On y croise des trekkeurs autrichiens, des groupes d’iraniens, en 4X4 et en quad, et quelques autochtones venus faire du camping en solo. Il y volette aussi pas mal d’oiseaux, des tous petits non identifiés et très familiers qui rentrent dans les voitures aux bivouacs, des wack tails, des blue throats… Et surtout des insectes, volants ou rampants, libellules attirées par nos antennes VHF, sortes de punaises volantes que certains appellent des gendarmes… et quelques puces que notre petit groupe a ramenées d’un caravansérail transformé en bergerie et qui se sont régalées, les gourmandes…
Il y a même des débris d’un truc dont il ne faut pas que je parle et encore moins que je poste des photos… Chut !!!
Les paysages du dernier jour sont absolument renversants (pas grave, J. n’est plus au volant…). L’immensité des panoramas déborde de notre champ de vision. Tantôt elle se remplit de villes entières entourées de remparts, tantôt elle se vide ne laissant que les formes douces et sans fin de vagues de dunes sur une mer de sable.
Des canyons s’enfoncent profondément dans la terre et nous quittons nos voitures pour nous y engouffrer un moment.
Prise d’une envie de solitude, notre petite bande pique-nique en suisse à l’ombre accueillante d’un énorme qalut. Mais changement de programme, l’étape du dernier jour dans les dunes s’allonge subitement et notre farniente – coupable ? – doit s’achever sans préavis et sans pitié. Dommage, des liens se tissaient…
Il faut dire qu'on entend de drôles de choses à la VHF dans le désert. "Tu préfères que je te tire par devant ou par derrière?" "Plutôt par devant, derrière c'est trop mou..."
Pourtant ces derniers jours, les esprits s’échauffent avec la température et, la tension des dunes aidant, quelques crispations surgissent dans le groupe. Coups de gueule, noms d’oiseaux, y compris sur les ondes, c’est ce que Laurent appelle la saharite. Bof, restons zens et ne nous formalisons pas. C’est la vie du raid. Même dans notre petit groupe, nous ne sommes pas toujours d'accord sur la direction à prendre...
En attendant, nous voilà de retour à la civilisation, à Kerman, ville étape. Nous avons tout de même bien profité des environs, dans la petite bourgade de Mahan, où les jardins de Shahazadeh nous ont agréablement rafraîchis et où nous avons pique-niqué « à l’iranienne » directement sur les pelouses du mausolée de Shah Nematollah. C’est vendredi, jour de week-end, et les iraniens se promènent comme nous ici. Ils nous abordent en permanence, pour se faire photographier avec nous, visiter nos voitures qui les fascinent, nous faire décrire notre voyage en Iran. « Where did you go ? Do you like Iran ? What do you prefer? », nous inviter chez eux, ou juste nous saluer de l’habituel «Welcome to Iran ».
Nous avons même des groupies dans le sillage de nos voitures!!!
Et moi, je pense que je vais arrêter là pour ce soir…
Demain, nous dormons dans un caravansérail. Y aura-t-il de la Wifi ? Pas sûr…
Il faudra peut-être attendre le lendemain pour connaître la suite.
Mais nous aurons déjà repris le chemin du retour où de longues étapes routières nous attendent.
A suivre !