Derniers kms en Iran avant la frontière. La route n’est pas inoubliable, à part quelques chaînes montagneuses multicolores et un troupeau de moutons envahi par des étourneaux.
Derniers (et quasi premiers) nuages qui éteignent les paysages (mais ils ne vont pas rester bloqués à la frontière turque comme le nuage de Tchernobyl à la frontière française). Derniers dos d’âne (on attraperait vite le hoquet dans la traversée des villages), dernières silhouettes de femmes en noir corbeau, dernier mollah ventripotent, dernières cigognes (en résine et en vrai), dernières queues de poisson (iraniennes, car il y en aura en Turquie !), dernier plein de gasoil pourri qui gicle sur le 2ème (et heureusement pas le dernier…) pantalon de la journée d’Henri (il en a déjà changé ce matin à la station de Tabriz où il s’est inondé de gasoil des chaussures aux genoux).
Depuis ce matin, on se gèle car il souffle un vent du nord glacial. Et ça ne s’arrange pas durant la longue attente côté iranien de la frontière. On ne sait pas ce qu’on attend, mais on attend… Peut-être la fin de la pause déjeuner des policiers car nous sommes arrivés à 12h15… Alors, puisque c’est comme ça, nous déjeunons, nous aussi… dans l’habitacle, il fait vraiment trop froid dehors…
Plus loin, une longue, longue, longue file de camions turcs et iraniens attend elle aussi. Attendre est décidément le principal verbe qui se conjugue aux postes frontières !
Ça y est ! On est passés dans la zone tampon (celle où on tamponne les passeports ?) et ça prend un peu de temps aussi, les conducteurs d’abord, les passagères ensuite, et rebelote pour les conducteurs qui doivent se rendre à un autre guichet pour l’enregistrement de l’entrée des voitures. Si tout va bien, le passage d’Iran en Turquie ne nous aura pris que 3 heures. 2h30 en fait si l’on retranche la ½ heure de changement d’horaire entre les 2 pays. On s’en tire bien !!!
Passée la frontière, nous ne voyons pas le bout de cette autre double file de semi-remorques arrêtés côté turc en attendant leur tour : 2 kms au bas mot, donc 4 kms de camions… Difficile de dire combien de temps ils mettront pour sortir de l’autre côté, mais ce qui est sûr, c’est qu’un chauffeur de semi-remorque doit impérativement avoir une vie intérieure !!!
Il pleut une sorte de neige fondue et le Mont Ararat ne se dévoile que partiellement et fugitivement, le temps tout de même de constater qu’il est beaucoup plus enneigé qu’à l’aller.
Laurent nous a conseillé une visite à Dogubayazit, la première ville sur la route d’Agri : le palais d’Izaak Pasha, qui domine la ville. Mais elle n’est pas simple à traverser cette ville, entre les forces militaires (très présentes : nous sommes en territoire kurde) qui bloquent certaines rues et les travaux qui bloquent les autres. C. et F., arrivés avant nous, ont fini par renoncer et nous ont presque convaincus d’en faire autant. Mais J.P. est aussi curieux qu’obstiné et trouve un passage (quand il ne le force pas…). Merci J. P. !!!
Le site, imposant, surplombe toute la vallée. L’absence de soleil et le ciel plombé donnent à l’ensemble une aura assez dramatique.
Pour un peu plus d’1 euro (5 livres turques), nous visitons et nous adorons : certaines salles sont richement décorées, les chambres du harem ont toutes leur ravissante petite cheminée, la mosquée, dominée par un dôme monumental et son plafond peint, est très chaleureuse (et presque douillette) avec ses tapis et son chauffage. Alors que les autres pièces, ouvertes aux 4 vents, sont absolument glaciales.
La pauvre mariée qui s’y fait photographier en compagnie de son mari et de 2 demoiselles d’honneur me donne froid avec son décolleté et ses manches largement ouvertes. Elle est stoïque mais son visage et ses bras prennent progressivement la couleur verte de sa robe brodée.
Agri, nous arrivons !!! A la nuit comme dab… Mais pas dans cette voiture!
Et quelques derniers mots pour ce soir en guise d'au revoir à l'Iran
Et la dune était noire
Aux couleurs de l'Iran
Qui écrit son histoire
De martyrs et de sang
Et pourtant ces montagnes
ces champs de grenadiers
Ce pays de cocagne
et ces grands peupliers
Ces déserts immobiles
et encore habités
par les ruines de villes
qui n'ont pas existé
Mais la dune était noire
Aux couleurs de l'Iran
Qui vit dans la mémoire
Des martyrs et du sang
Oui mais tous ces enfants
aux yeux si beaux si clairs
qui changent en cerf-volants
les foulards de leurs mères
Oui mais ces gens joyeux
qui nous serrent dans leurs bras
Ces gens si généreux
qui donnent ce qu'ils n'ont pas
Mais la dune était noire
Aux couleurs de l'Iran
Qui ne veut que la gloire
Des martyrs et du sang
Et quand même ces mosquées
ces palais, ces jardins
qui admirent leurs reflets
aux miroirs des bassins
Et quand même les selfies
des jeunes filles en tchador
qui sourient à la vie
et n'oublient pas leur corps
Même si la dune est noire
l'Iran est bien vivant
Et tant pis pour l'histoire
les martyrs et le sang...
A suivre!