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Raid Persia J 38

Derniers kms en Iran avant la frontière. La route n’est pas inoubliable, à part quelques chaînes montagneuses multicolores et un troupeau de moutons envahi par des étourneaux.

Derniers (et quasi premiers) nuages qui éteignent les paysages (mais ils ne vont pas rester bloqués à la frontière turque comme le nuage de Tchernobyl à la frontière française). Derniers dos d’âne (on attraperait vite le hoquet dans la traversée des villages), dernières silhouettes de femmes en noir corbeau, dernier mollah ventripotent, dernières cigognes (en résine et en vrai), dernières queues de poisson (iraniennes, car il y en aura en Turquie !), dernier plein de gasoil pourri qui gicle sur le 2ème (et heureusement pas le dernier…) pantalon de la journée d’Henri (il en a déjà changé ce matin à la station de Tabriz où il s’est inondé de gasoil des chaussures aux genoux).

Depuis ce matin, on se gèle car il souffle un vent du nord glacial. Et ça ne s’arrange pas durant la longue attente côté iranien de la frontière. On ne sait pas ce qu’on attend, mais on attend… Peut-être la fin de la pause déjeuner des policiers car nous sommes arrivés à 12h15… Alors, puisque c’est comme ça, nous déjeunons, nous aussi… dans l’habitacle, il fait vraiment trop froid dehors…

Plus loin, une longue, longue, longue file de camions turcs et iraniens attend elle aussi. Attendre est décidément le principal verbe qui se conjugue aux postes frontières !

Ça y est ! On est passés dans la zone tampon (celle où on tamponne les passeports ?) et ça prend un peu de temps aussi, les conducteurs d’abord, les passagères ensuite, et rebelote pour les conducteurs qui doivent se rendre à un autre guichet pour l’enregistrement de l’entrée des voitures. Si tout va bien, le passage d’Iran en Turquie ne nous aura pris que 3 heures. 2h30 en fait si l’on retranche la ½ heure de changement d’horaire entre les 2 pays. On s’en tire bien !!!

Passée la frontière, nous ne voyons pas le bout de cette autre double file de semi-remorques arrêtés côté turc en attendant leur tour : 2 kms au bas mot, donc 4 kms de camions… Difficile de dire combien de temps ils mettront pour sortir de l’autre côté, mais ce qui est sûr, c’est qu’un chauffeur de semi-remorque doit impérativement avoir une vie intérieure !!!

Il pleut une sorte de neige fondue et le Mont Ararat ne se dévoile que partiellement et fugitivement, le temps tout de même de constater qu’il est beaucoup plus enneigé qu’à l’aller.

Laurent nous a conseillé une visite à Dogubayazit, la première ville sur la route d’Agri : le palais d’Izaak Pasha, qui domine la ville. Mais elle n’est pas simple à traverser cette ville, entre les forces militaires (très présentes : nous sommes en territoire kurde) qui bloquent certaines rues et les travaux qui bloquent les autres. C. et F., arrivés avant nous, ont fini par renoncer et nous ont presque convaincus d’en faire autant. Mais J.P. est aussi curieux qu’obstiné et trouve un passage (quand il ne le force pas…). Merci J. P. !!!

Le site, imposant, surplombe toute la vallée. L’absence de soleil et le ciel plombé donnent à l’ensemble une aura assez dramatique.

Pour un peu plus d’1 euro (5 livres turques), nous visitons et nous adorons : certaines salles sont richement décorées, les chambres du harem ont toutes leur ravissante petite cheminée, la mosquée, dominée par un dôme monumental et son plafond peint, est très chaleureuse (et presque douillette) avec ses tapis et son chauffage. Alors que les autres pièces, ouvertes aux 4 vents, sont absolument glaciales.

La pauvre mariée qui s’y fait photographier en compagnie de son mari et de 2 demoiselles d’honneur me donne froid avec son décolleté et ses manches largement ouvertes. Elle est stoïque mais son visage et ses bras prennent progressivement la couleur verte de sa robe brodée.

Agri, nous arrivons !!! A la nuit comme dab… Mais pas dans cette voiture!

Et quelques derniers mots pour ce soir en guise d'au revoir à l'Iran

Et la dune était noire

Aux couleurs de l'Iran

Qui écrit son histoire

De martyrs et de sang

Et pourtant ces montagnes

ces champs de grenadiers

Ce pays de cocagne

et ces grands peupliers

Ces déserts immobiles

et encore habités

par les ruines de villes

qui n'ont pas existé

Mais la dune était noire

Aux couleurs de l'Iran

Qui vit dans la mémoire

Des martyrs et du sang

Oui mais tous ces enfants

aux yeux si beaux si clairs

qui changent en cerf-volants

les foulards de leurs mères

Oui mais ces gens joyeux

qui nous serrent dans leurs bras

Ces gens si généreux

qui donnent ce qu'ils n'ont pas

Mais la dune était noire

Aux couleurs de l'Iran

Qui ne veut que la gloire

Des martyrs et du sang

Et quand même ces mosquées

ces palais, ces jardins

qui admirent leurs reflets

aux miroirs des bassins

Et quand même les selfies

des jeunes filles en tchador

qui sourient à la vie

et n'oublient pas leur corps

Même si la dune est noire

l'Iran est bien vivant

Et tant pis pour l'histoire

les martyrs et le sang...

A suivre!

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