Ce matin, il fait enfin plus clair et le vent est tombé. Nous quittons Maumere et le Seaworld Club sous le soleil. Tant pis pour nous et tant mieux pour la suite.
En route pour l’est et Moni, après un détour par l’ouest pour aller à Sikka voir la fabrication des ikats traditionnels. C’est Dino qui nous l’a finalement proposé car ensuite, il sera trop tard. Plus d’ikats avant Sumba… Mais nous avons des consignes précises : ne pas montrer un quelconque intérêt pour en acheter, sinon nous serons submergés sous un tsunami de vendeuses déchaînées… C’est Dino qui ira discuter à notre place à la fin, si certaines pièces nous plaisent.
Un petit tour pour commencer par l’église portugaise de Sikka et son petit cimetière. C’est beau non ?
Pendant le petit quart d’heure de cette visite, la place, déserte à notre arrivée, s’est remplie de vendeuses, de travailleuses… et d’ikats.
Et maintenant, il me reste à espérer que vous avez toujours rêvé de connaitre les 28 étapes du processus de fabrication des ikats traditionnels, une spécialité de la région. Sinon, vous avez encore le choix de vous déconnecter et d’attendre le prochain post ! Histoire de vous donner envie, je vous livre un scoop : le procédé est exactement inverse de celui du tissage : alors que dans celui-ci, c’est la navette qui forme les motifs avec des fils de différentes couleurs sur la trame neutre, l’ikat n’est tissé qu’à la fin et c’est la trame qui est teinte progressivement pour former les motifs choisis…
C’est parti pour une tentative de reconstitution en mots et en images des principales étapes telles que Dino nous les a soigneusement et patiemment expliquées.
Au début était le coton, récolté puis démêlé, émietté et séché à coups de longs bâtons.
Ensuite, on sépare les graines en passant les morceaux de coton dans un petit laminoir en bois. Elles seront ensuite replantées en terre pour produire plus de coton…
Vient ensuite l’étape classique du filage à l’aide d’un rouet. Les fils sont prêts et enroulés en boules plus ou moins grosses selon la longueur de trame souhaitée.
La trame d’une partie de l’ikat va maintenant pouvoir être tendue sur son support, dans l’attente des nœuds faits avec de la fibre végétale de cocotier. Les nœuds dessinent le motif principal de l’ikat, motif qui sera le même des 2 côtés puisque la trame est double. Ce motif n’existe que dans la tête de celle qui le dessine.
Une fois tous les nœuds bien serrés, la trame est détachée de son support et plongée dans un bain de couleur naturelle (principalement indigo et brun rouge, mais aussi vert ou jaune). Il vous faudra un peu patienter pour connaître la recette de fabrication de ces couleurs…
Après quelques jours de séchage, la trame colorée est remise sur son support, prête pour une nouvelle opération nœuds : il faut mettre de la couleur là où étaient les premiers nœuds et où les fis sont restés blancs, donc les enlever, et couvrir la zone déjà colorée de nouveaux nœuds pour la préserver du deuxième bain. Vous suivez toujours ??? L’opération se répète autant de fois qu’il y a de couleurs ou de combinaisons différentes de couleurs prévues…
Les trames formant l‘ikat sont ensuite réunies sur un métier et une navette de fil noir vient tisser l’ensemble dont les motifs et les couleurs sont déjà tous présents.
Passons aux couleurs naturelles maintenant :
Le brun rouge vient de la racine de mengkudu (une plante médicinale dont les feuilles servent à éliminer les toxines) mélangée à de la pierre de corail mort brûlée et réduite en poudre. Pour fixer cette couleur (et l’éclaircir), on ajoute de la feuille de loba séchée et écrasée, une autre plante locale.
L’indigo vient de la plante du même nom, mise à fermenter avec de la poudre de pierre de corail
La couleur verte est obtenue avec de l’écorce de manguier, à l’ouest de Maumere, alors qu’à l’est, on utilise de la racine de banian mélangée à des feuilles de haricots
Et la couleur jaune est fabriquée à base de curcumin.
Il est aussi possible d’utiliser des couleurs chimiques mais les ikats sont alors moins traditionnels et valent beaucoup moins cher… Plus les couleurs sont sombres, plus elles ont une chance d’être naturelles. Plus elles sont vives voire pétard, plus elles risquent d’être chimiques. On peut aussi tester l’authenticité de l’ikat traditionnel en goûtant le tissu (si, si…), légèrement salé dans ce cas. Attention, certaines vendeuses tentent de tromper l’ennemi en lavant leurs vrais faux ikats dans l’eau de mer. Méfiance !!!
Les motifs peuvent être animistes ou catholiques et aussi éclectiques que des chevaux, églises, vagins, poulets, araignées, hommes à cheval, dragons, boucles d’oreilles de mariage… ou plus modernes (fleurs essentiellement). Ce sont les jeunes filles qui portent les sarongs aux motifs modernes. Les femmes mariées et plus âgées suivent la tradition animiste.
Et voilà ! Les spécialistes me pardonneront je l’espère mes approximations et mes grosses erreurs.
Nous repartons de Sikka heureux propriétaires de 2 ikats traditionnels… et fâchés avec 98% des vendeuses du village !
Déjeuner dans une petite auberge au milieu de nulle part avant de reprendre la route de Moni. Où - ça ne s’invente pas – le patron parle un peu français et nous rencontrons un géologue spécialiste des glissements de terrain qui a étudié la vulcanologie à Clermont-Ferrand, dans l’établissement où Georges a fait une partie de sa scolarité !!! Le même a passé auparavant 1 an à Vichy pour étudier le français !!!
La route est magnifique et enchaîne les virages sur une bonne soixantaine de kilomètres au milieu d’un paysage montagneux couvert d’une végétation luxuriante. La tempête de ces derniers jours a laissé beaucoup de traces par ici. Partout des champs de bananiers et des palmeraies dévastés, des branches arrachées, des arbres immenses déracinés, des blocs entiers tombés des parois rocheuses sur la route.
Première des 2 nuits à l’hôtel Estevania de Moni, simple mais accueillant à l’ombre de ses bougainvilliers. Demain à 4 heures, départ pour le Kilimutu en voiture pour admirer les 3 lacs aux esprits, le spot de cette région. Espérons que le sommet sera dégagé car en cette fin d’après-midi, il est pris dans une mer de nuages. Et cela fait une semaine que personne n’a rien vu ni même parfois pu monter à cause de la tempête…
A suivre !
Mais je ne sais pas quand, car la Wifi ne court pas les rues par ici...