Quand, à notre retour il y a quelques jours, j'ai dit à un tchadien qui me demandait quels sites touristiques nous avions visités, que nous avions passé 10 jours au sud-est de N'Djamena chez les nomades Peuls Wodaabe, il a crié : "C'est tout ??? Mais vous êtes fous !!! Vous n'êtes pas allés au Nord, dans le Tibesti ou dans l'Ennedi? "
Eh oui... C'est tout! Et c'était fou... Un des voyages les plus intenses et les plus authentiques que nous ayons faits. Des rencontres, des émotions, des moments à faire monter les larmes aux yeux et se dresser les poils sur les bras. Un vrai voyage ailleurs et dans un autre temps. Le temps du rassemblement d'une des dernières ethnies nomades d'Afrique : le Geerewol des Wodaabe du Tchad.
Geerewol veut dire "le choix" en fulfulde, la langue des Peuls. J'essssplique....
La fin de la saison des pluies, début octobre, est un moment privilégié pour les nomades Peuls du Tchad qui réunissent leurs énormes troupeaux au sud-est de N'Djamena, dans la zone de Kamak riche en mares salées. Ils s'y retrouvent pendant une dizaine de jours pour une fête qui culmine lors des 4 derniers jours, lorsque toutes les familles des 2 clans sont arrivées. Les hommes se maquillent, se parent, se transforment en véritables oiseaux de paradis, chantent et dansent pour séduire les femmes. Et les plus beaux seront choisis pour une nuit ou plus...
Ils sont beaux, non???
Les premiers appartiennent au clan des Sudosukai. Les seconds sont des N'djapto. Et voilà quelques unes de leurs femmes ou futures femmes.
Alors? N'djapto ou Sudosukai?
Facile. Les N'djapto se scarifient le corps et le visage en appliquant de la cendre dans des coupures. Les Sudosukai sont parfois tatoués mais jamais ou rarement scarifiés.
Mais revenons à nous... Nous sommes 8. 3 femmes, et 5 hommes, dont 2 belges et 1 suisse (personne n'est parfait!) et dont 1 seul couple (personne n'est décidément parfait!) : Christine, Hélène, Claude, Emmanuel-dit-Manu, Serge, Vincent, Henri et moi. Réunis non pas autour de nos troupeaux mais d'un guide, que dis-je ? DU guide et TO le plus talentueux des guides et TO, une légende vivante, un monument d'intelligence et de sensibilité voyageuse (j'en fais peut-être un peu trop?...), bref, notre référence commune quand il s'agit de découvrir l'Afrique comme si nous étions encore au temps des explorateurs.
Jean-Yves, l'Africain blanc.
Il rêvait de ce voyage depuis longtemps et il nous a permis de réaliser son rêve avec lui... et grâce à Tommaso, le principal réceptif italien du Tchad, auquel les excellents rapports qu'il entretient depuis longtemps avec les clans Wodaabe permettent d'être accueilli avec quelques groupes de touristes pendant le Geerewol.
Sans oublier le beau Nicolo, notre guide attitré pendant ces quelques jours de fête.
Après une courte nuit à N'Djamena, nous prenons la direction du lieu de rassemblement. Quelques heures de route puis de piste puis de bush, plusieurs arrêts radiateur fumant et un grand nombre de guêpiers carmins et d'euplectes franciscains plus tard, nous croisons nos premières bêtes à cornes. Et quelles cornes!!!!!!!!!!!!!!
Et nos premiers suudus, l'habitat à la fois rudimentaire et très élégant des Wodaabe. Réservé aux femmes et aux enfants en bas âge, les hommes et les enfants plus grands dormant par terre sur des nattes, souvent mais pas toujours sous des moustiquaires. (Une petite parenthèse pour lancer un avis d'enlèvement : les moustiques de la région, qu'on nous avait annoncés nombreux et féroces, ont disparu. A mon humble avis, ils sont tous partis en Europe. On ne parle décidément pas assez des flux migratoires des moustiques...). Parenthèse refermée...
Les suudus se montent et se démontent aussi vite ou presque qu'une tente 2 secondes (surtout quand on est Wodaabe...) et servent de placard, de lit et d'arrière-cuisine.
Leur toit abrite toutes les richesses de la cellule familiale.
Parfois, les femmes repeignent les poteaux... et oublient de mettre une pancarte "attention, peinture fraîche". Hein, Serge????
Le suudu est toujours orienté à l'est. Il symbolise le territoire des femmes : la maison, les enfants, la nourriture, la traite des vaches, la cuisson du mil et la fabrication des boules de mil, la préparation dans des calebasses du lait caillé et parfois renversé...
La corde à veaux sépare l'espace des femmes de celui des hommes : l'ouest, les animaux, l'inconnu et l'aventure. On y attache aussi les animaux nouvellement nés. Il est interdit de la franchir, elle doit être contournée.
Encore quelques informations pour mieux connaitre le peuple Wodaabe, avant de clore ce premier post "post voyage" (la faute à l'absence totale de Wifi dans le bush...), car je sens que vous brûlez d'en savoir plus.
Les Wodaabe sont polygames mais leurs femmes peuvent décider de quitter leur mari... en conservant les têtes de bétail apportées en dot. Elles retournent d'ailleurs chez leur mère plusieurs mois avant chaque naissance et pas loin de 2 ans après, le temps de sevrer leur bébé. D'où peut-être la polygamie... Autant de sages mesures qui font que les femmes Wodaabe sont relativement autonomes et n'enchaînent pas trop les grossesses...
Ah oui, j'oubliais! Les Wodaabe sont majoritairement animistes et même si l'islam gagne du terrain, les amulettes demeurent solidement accrochées à tous les cous (les djinns guettent leurs proies...) et certaines femmes (encore elles) résistent passivement grâce à la tresse enroulée à l'avant de leur crâne, qui ne leur permet pas de toucher le sol avec leur front.
Allez! C'est tout pour aujourd'hui!
A suivre, les préparatifs et la fête, la vie du camp et nos aventures animalières, photographiques, météorologioques et humaines. Et pour finir, la transhumance, car, oui, nous sommes repartis quelques jours avec certains d'entre eux. Merci à Tommaso pour cette grande première!