Samedi 27 janvier, l'UFTM est de sortie près de la petite ville de Gandia. Au programme, visite guidée de la Fondation Todoli, un musée à ciel ouvert des agrumes du monde entier, suivie, après un déjeuner à l'improbable bar Cames, par une plongée dans le passé et le Palais Ducal des Borja.
Nous sommes 22, soit le nombre exact des places du bus qui nous transporte vers les gourmandises saisonnières et historiques de cette journée : Patrice L. et Monique L., Anne E., Nicole M., Michel F. et Anne D., Michel P. et Muriel P., Michel G. et Nicole G., Claudy F., Philippe N., Béatrice B. et Mario M., Thierry J. et Jeanne-Marie J., Jeanine G., Jeanine L., Henri Y et Catherine Y., Michel Z. et Béatrice Z. (ouf! désolée pour cette succession indigeste de majuscules, mais il faut bien savoir de quel Michel on parle, sans compter toutes ces Anne(s), Béatrice(s), Nicole(s) et Jeanine(s) !!!).
Au fait, il fait beau même s'il souffle aujourd'hui un petit vent frais sur les arbres de la Fondation Todoli, et nous sommes contents d'être là!!! À écouter religieusement notre guide nous citer des chiffres parfois vertigineux : 14 grandes familles, plus de 400 variétés réunies dans ce conservatoire/laboratoire, et un ancêtre commun apparu il y a 8 millions d'années...
...le citrus maxima. Son évolution, en grande partie naturelle, commence au pied de l'Himalaya et n'arrête plus, jusqu'à nos jours, de tisser un arbre généalogique particulièrement touffu. Avec des mutations, parfois aidées par la main de l'homme, qui ont suivi ses migrations et se sont répandues à travers le monde entier. Notre guide particulièrement disert et peu avare d'informations, m'a perdue assez rapidement dans les méandres de cette évolution (à moins que ce ne soit ma mémoire un peu trouée...) et vous devrez vous contenter de ce schéma. Enfin... si vous ne vous y perdez pas aussi...
Tout ça pour dire que la diversité citrique n'est pas une légende, comme nous allons pouvoir le vérifier dans les 2 heures de visite qui suivent... Un petit échantillon?
On commence avec ces différentes sortes de pamplemousses...
Tout le monde est bien concentré sur l'exposé de notre guide. Je soupçonne tout de même certains de faire semblant de comprendre le flot de ses informations, délivrées dans un espagnol plutôt fluide mais dont le débit s'accélère au fur et à mesure des interruptions de notre traducteur maison, j'ai nommé Henri-Claude. Il est stressé par le temps qui passe, notre guide (nous l'avions déjà constaté lors de notre visite exploratoire de l'an dernier), anxieux de tout nous dire, dans un timing serré et contraint par la visite qui suivra dans moins de 2 heures...
À moins que tout le monde n'attende, pince de bambou à la main, ou ailleurs...
... de pouvoir passer à l'expérience gustative, la "cata" comme on appelle ici les dégustations...
Tout ou presque se mange, selon les spécimens. Pulpe bien sûr, plus ou moins douce, acidulée ou franchement amère, mais toujours étonnamment parfumée. Mais aussi albedo, (c'est à dire albédo en français pour ceux qui cherchaient comment se dit chez nous la partie blanche des agrumes, ou mésocarpe pour son nom savant), pas toujours comestible, parfois plus sucré que la pulpe. Et peau, qui pour certains fruits, les kumquats par exemple, est ce qu'il y a de plus savoureux en bouche, et pour d'autres est porteuse d'huiles essentielles dangereuses ou de senteurs évocatrices de produits d'entretien...
Dingue, non?
Certains spécimens de citriques sont de très beaux bébés... Je parle du fruit bien sûr...
...et peuvent donner des idées à d'autres... Le rugby n'est pourtant pas une spécialité belge Michel...
Il y a aussi des drôles de numéros. Dans la famille des cédrats, je demande la Main de Bouddha...
... que l'on peut trancher (attention à ne pas se tromper de doigts et ne pas confondre mésocarpe et métacarpe...) sans trouver la moindre pulpe. Mais le goût de ses rondelles d'albédo est très subtil et parfumé...
Certaines variétés de cédrat peuvent aussi prendre des formes torturées... Attention Nicole, pas touche!!!! Mais les couleurs sont belles!!! Au fait, saviez-vous que la couleur orange n'est apparue dans la peinture qu'au Moyen-Âge, lorsque l'orange (le fruit) est arrivé en Europe?
Encore des cédrats? Ou des citrons? Ou des pamplemousses? On s'y perd. Essayons de ne pas s'y cogner...
Ça en tous cas, c'est la féconde variété des limes, répandue sur tous les continents. Ne pas se fier aux couleurs et à notre subconscient, qui nous feraient prendre des vessies pour des lanternes et les couleurs les plus chaudes pour une garantie de douceur. La surprise est parfois cuisante!!! Et on découvre qu'un citrique de cette famille se définit aussi par son degré d'acidité, parfois nul, et son intensité de goût, parfois extrême...
Autre découverte (décidément...). Si beaucoup de ces fruits du bout du monde sont délicieux en cuisine, les feuilles de certains peuvent entrer dans la composition de sauces ou de currys. Il y a aussi les agrumes à feuille simple et ceux à feuille double... Etc...
Et lorsque l'homme se mêle d'hybridation, cela peut donner cette orange chocolat, qui semble avoir trouvé son marché, même si les avis sont partagés. Perso, j'ai senti en effet son goût chocolaté, mais il paraît que ce n'est qu'une vue des papilles de l'esprit...
Tiens, voilà l'orange chaton (ou l'orange cornue suivant sa vision angélique ou diabolique du monde...).
Et la sanguine, une orange délicieuse, qui, ne pousse à l'état naturel qu'au pied de l'Etna et dans la région de Valencia. Et dans notre jardin!!!!!!!!!!! Quelle émotion...
Cette table de clémentines et mandarines, originelles ou transformées, conclut la visite...
... au pied des 4 doyens des orangers de la propriété, cent cinquantenaires, toujours là grâce à un méticuleux et permanent travail de mise à nu de leurs racines (vous ne le distinguez peut-être pas sur la photo mais elles sont comme suspendues en lévitation au dessus d'un trou circulaire). Tout ça pour éviter leur lent mais irrémédiable pourrissement dans la terre. Un traitement lourd et très onéreux réservé à ces augustes vieillards. Un privilège surtout, car le destin des orangers n'est pas de mourir de vieillesse mais d'être coupés dès les premiers signes de pourrissement des racines.
Pas d'inquiétude en revanche pour l'irrigation en cette période de sécheresse. La Fondation Todoli assure...
Dernier coup d'oeil circulaire sur la propriété...
Avant de partir, le groupe se précipite pour acheter des pots de confitures, seules denrées autorisées à quitter le site avec des tablettes de chocolat aux agrumes. Ni fruits, ni pépins ni graines... prohibido!!! Ces paniers appétissants ne sont donc pas pour nous... Dommage, mais nous y avons largement goûté au fil des tables de dégustations.
Il y en a un en tous cas qui ne se prive pas de déguster sur place avec sa trompe cette grenade bien mûre et un peu explosée. Un Vulcain, tellement concentré sur son nectar qu'il ne calcule même pas Henri-Claude et son appareil photo à quelques centimètres seulement de ses ailes...
Todoli, c'est fini!!! En route pour la suite de nos aventures. A pied et en snobant notre minibus pour l'essentiel du groupe car le restaurant est à moins d'1 kilomètre de là et nous sommes en avance...
Palmera, cette petite ville de la banlieue de Gandia, qui abrite la Fondation, proclame joliment son amour des citriques et des oiseaux sur le mur de cet étonnant bâtiment.
Quant à nous, nous poursuivons notre trek dans ce que l'urbain a de pire jusqu'à la commune voisine de Bellreguard. À nous le doux parfum au gaz carbonique de sa nationale archi fréquentée, (tu parles d'un apéritif!!!) jusqu'au restaurant qui nous attend pour le déjeuner. Qui nous attend? Vous êtes sûrs???? À 13h29, heure de notre rendez-vous à une minute près, le volet est toujours baissé... Seule la porte de la cuisine ouverte sur le côté laisse à penser que Salvador et Gracia n'ont pas complètement oublié notre venue!
Ouf!!!
Nous avions faim!!!!!!
On ne peut pas dire que cette adresse brille par sa communication, son sens de l'accueil ou du décorum. On pourrait mettre un panneau à l'entrée : "Ici, tout est dans l'assiette !" Car ici, l'assiette est mémorable !!! Mais encore faut-il y arriver et y entrer...
Oups! avec tout ça, nous ne sommes pas en avance pour la visite guidée du Palais Ducal de Gandia... Ce qui n'a pas l'air de troubler outre mesure Mario et Claudy, en pleine digestion sur leur banc (il n'y avait pas de lit...).
Ça en jette!!! Cette salle du Conseil permet à notre guide (dont j'ai oublié le nom, décidément ma mémoire est sélective, ou alors de plus en plus mauvaise...) de commencer son récit sur la demeure des Borja achetée par ces derniers à la fin du 15ème siècle, une centaine d'années après sa construction, et revendue aux enchères en 1890 par une branche éloignée et ruinée de la famille. C'est la Compagnie de Jésus qui en devient alors propriétaire en l'honneur d'un de ses prestigieux ancêtres, San Francisco de Borja, devenu jésuite à la mort de son épouse en 1546. Seule une partie du Palais est ouverte à la visite, l'essentiel des bâtiments étant restés propriété privée des jésuites qui y animent toujours une école.
Non, Claudy, tu ne peux pas continuer ta sieste dans le fauteuil ducal... N'insiste pas...
Viens plutôt admirer avec nous ces emblèmes des Borja : double couronne et rayons du soleil, exprimant la puissance et le rayonnement de cette famille, partie de rien et ayant donné une dynastie de onze ducs, deux papes, des cardinaux à la pelle et des cousins de rois à l'Espagne et à l'Italie (Borja est son nom valencian, et Borgia celui de la branche italienne, fort néfaste à la famille, mais ceci est une autre histoire...)
Cet ancien bureau de Francisco Borja transformé en chapelle par les jésuites, recèle une des nombreuses portes secrètes du palais. Il suffit aujourd'hui de suivre la flèche au sol pour la trouver mais elle devait être plus discrète autrefois...
Tête à tête entre Mario et Francisco (son masque mortuaire plutôt). C'est beau un aboyeur réduit au silence !...
Et voici l'oratorium du saint... Si son esprit traînait encore par ces murs hier après-midi, il a dû repartir vite fait dans sa tombe et s'y retourner plusieurs fois, en entendant notre guide, au français plus qu'approximatif, évoquer des verges montant au ciel et Ève croquant la pomme de terre.
Une guide pourtant passionnée et intarissable ("J'espère que vous avez du temps porque me estoy enrollando como una persiana"!!!!) , défenseuse acharnée de l'intelligence et des vertus féministe, sociale et politique des Borja, lancée à coups de "c'est très important" ponctuant chacune de ses phrases, dans une entreprise de réhabilitation de leur image, traînée dans la boue par la "légende noire". Il semblerait en effet que les historiens actuels reviennent sur la sinistre réputation des Borgia, en grande partie forgée par leurs ennemis politiques, notamment dans la papauté italienne... Des fake news avant l'heure, en quelque sorte... Certes, les 2 papes Borja ont eu une nombreuse descendance, mais, bon, personne n'est parfait...
Et surtout pas Henri!!! Qui n'a pas hésité à fouler ce carrelage d'origine et ses carreaux de céramique, les manises, du nom de leur site de fabrication près de Valence, qui couvraient à l'origine tous les sols du palais et qui ornent encore aujourd'hui certains murs comme ceux de la salle du Conseil.
Belle galerie à la feuille d'or et à la perspective trompeuse, à laquelle cette enfilade confère des dimensions avantageuses.
Des panneaux coulissants pouvaient autrefois s'ouvrir sur chaque colonne. Des bouquets arrosés d'huiles essentielles y étaient glissés, avec des servantes chargées d'en diffuser les fragrances à coups d'éventails... Ça ne s'invente pas!
Michel est bouche-bée. Qu'y a-t-il au plafond? Un petit vélo???
Eh non Michel !!! San Francisco n'a pas besoin de vélo musculaire ou électrique pour monter au 7ème ciel des grimpeurs. Il a des anges et des nuages, lui!!!
Pas besoin de se faire un torticolis non plus pour admirer et fouler aux pieds cette magnifique ode à la représentation du monde.
Il ne nous reste plus qu'à admirer cette façade, flattée par la lumière douce de la fin d'après-midi...
... et à poser pour une ultime photo de groupe au complet... On a dit au complet Mario!!! D'ailleurs, il en manque deux, l'une partie faire les soldes à Gandia et l'autre restée dans le bus car le passé, c'est pas son truc (je sais qui mais je ne dirai rien...)
Salut les amis!!! Et bonnes confitures demain dimanche au petit déjeuner...
À suivre...
Vraiment un beau reportage ! Merci Catherine 😘
Et bien Catherine, encore une fois mais plus encore que jamais, quel exposé..! 👏 Merci pour ce beau reportage riche à plus d'un titre.
Pas de doute, tu ferais un super guide 👍
Toujours un réel plaisir de te lire chère Catherine !