Mardi 16 mai, retour de France... Le blog vous a manqué? À moi aussi... Presque autant que les sentiers rocailleux d'Espagne. Mais voilà qu'à peine les pieds posés sur le tarmac d'Alicante, Henri m'offre une virée surprise en Castilla-La Mancha, dans le village spectaculaire d'Alcalá del Júcar. Il est parti randonner là-bas il y a cinq jours avec LAFMA et il compte bien y retourner avec moi. Pas question d'attendre le week-end ou les mois d'été. Trop de touristes. Et puis, Alicante n'est qu'à 150 kilomètres. Donc, go, go, go... pour 3 jours de vacances randonneuses à Alcalá puis Jorquera, les 2 plus beaux villages accrochés au dessus du Canyon del Júcar.
Arrivée sur zone à l'heure espagnole du déjeuner. Alcalá del Júcar et les moulins de Castilla-La Mancha (nous sommes au pays de Don Quichotte tout de même...) nous souhaitent la bienvenue.
Nous résistons à la tentation d'une baignade dans le rio Júcar... trop touristique, trop facile, trop froid???
...mais pas à celle d'une petite randonnée sur le circuit du Corciolico (6 kilomètres et 150 mètres de dénivelé). Une mise en bouche, ou plutôt une mise en jambes... Pour la mise en bouche, on repassera car les rares restaurants ouverts un mardi dans ce spot touristique déserté hors saison et hors fin de semaine, n'ont vraiment rien de gastronomique, qu'on se le dise...
La montée jusqu'au point culminant surveillé par ce curieux volatile nous offre des vues imprenables sur la ville, ses maisons dont on ne sait où elles commencent et où elles finissent (parfois dans les falaises car certaines sont troglodytes), son château fort en haut et son église en bas...
... et nous conduit au petit village de Casas del Cerro, où l'heure de la sieste règne en maître sur des rues et des places désertes et néanmoins photogéniques!
Il n'y a pas que les rues qui soient désertes, semble nous dire cet arbre désespéré... que nous abandonnons à son triste sort.
Car il est temps d'aller faire un petit tour dans Alcalá, histoire de vérifier qu'il ne s'agit pas que d'un (très beau) décor et que des rues passent entre ces maisons enchevêtrées. Vérification faite, ça monte et ça glisse parfois, tant les pierres ont été lissées par des siècles de piétinement (la ville existait avant la reconquête puisqu'elle a été reconquise en 1213), mais ça passe!!!
La preuve...
Et le château n'est pas en carton pâte, même si, arrivés trop tard, nous n'avons pas pu le visiter...
Nous avons en effet préféré nous offrir la visite de la kitchissime Cueva del diablo, un réseau-souterrain-musée-marché-aux-puces-bar-terrasse incroyable qui traverse la falaise de part en part...
... exploité et décoré jusqu'à l'outrance depuis plusieurs dizaines d'années par ce Diablo moitié Dali moitié Facteur Cheval... (outre les moustaches, vous admirerez dans cette photo prise par Madame Diable, la magnifique symphonie de rayures verticales, horizontales et croisées!)
Mais le clou de cette visite reste le gin tonic bu au bar-terrasse de la Cueva del Diablo, tonic acheté au bar et gin apporté en loucedé et avec préméditation par Henri qui a beaucoup appris de sa précédente visite dans les lieux...
Siroter en loucedé un gin tonic devant une vue pareille... what else???????
Good night Alcalá!!!! Demain, nous randonnons pour de vrai...
Voilà... Demain, c'est mercredi et c'est aujourd'hui... Vous suivez???
Parmi les 3 circuits possibles, nous avons finalement choisi celui del Morrón (Corciolico c'était hier et Batán vendredi pour Henri et LAFMA).
Il démarre au sommet de la ville et nous retraversons le Pont Romain, passage et péage obligés sur le Camino Real de Castilla a Levante au cours des 14ème et 15ème siècles.
Aujourd'hui, c'est plus un chemin touristique et fleuri qui nous accueille sans autre paiement qu'un peu d'énergie musculaire.
C'est raide mais en contrepartie, on est très vite en haut et donc très vite récompensés par la vue depuis le plateau... Et puis, il est tôt, à peine 9 heures et la température est idéalement fraîche...
Tiens... un nouveau village endormi (ou pas encore réveillé...), celui de Las Eras. Il y en a un qui est tout de même là et veille sur ses ouailles : Saint Grégoire le boss de Las Eras!
Et 2 chats qui surveillent les passants (nous) et ne les lâchent pas du regard. C'est fou le nombre de chats qui dorment, passent, s'escamotent, se faufilent, nous snobent ou nous observent et peuplent les villages que nous traversons depuis 2 jours.
Les Eras semble engourdi dans un passé indéfini et poétique...
... où ne manque même pas la camionnette supérette sur roues, qui vient vendre ses produits d'entretien à des habitants absents!
Nous ne saurons jamais si les clients se sont finalement bousculés car nous poursuivons notre chemin sur le plateau qui surplombe et magnifie Alcalá...
Vu d'en haut, le rio Júcar repeint en vert le canyon...
et offre un contraste saisissant avec la sécheresse qui nous entoure sur des kilomètres et des kilomètres ...
Même ce puits a renoncé et n'est plus qu'un tas de pierres dehors et dedans...
Quelques cultures subsistent, des céréales courtes sur pattes (peut-être destinées au bétail) et des amandiers d'un vert assez vaillant. Et de temps en temps, de magnifiques chênes carrascas.
Et juste quand le plateau désert et désolé semblait ne jamais devoir finir, surgissent d'un coup et simultanément ce corps de ferme et le début de la descente...
Et surtout, nous découvrons en contrebas les toits colorés de Tolosa (Toulouse...), le petit village qu'Henri avait beaucoup regretté de ne pas avoir traversé vendredi dernier, blotti entre flanc du plateau et rivière Júcar.
Ici les bancales servent de hauts murs de soutènement du sentier. Longtemps entretenus, ils sont malheureusement en voie de délitement progressif, ce qui inquiète beaucoup les habitants de Tolosa, soucieux de voir ce patrimoine disparaître peu à peu...
C'est qu'il est impressionnant ce sentier du Morrón qui, lacet après lacet, nous rapproche de Tolosa. et du pont sur le rio Júcar.. Un chef d'oeuvre, mais un chef d'oeuvre en péril...
Au coin d'une de ces ruelles, sous un de ces toits orange, rose ou rouge, nous découvrons cette vieille dame en bleu. Absorbée dans sa couture, elle met du temps à nous remarquer. Et finit par engager la conversation. Elle coud un sac pour y ranger les documents du bateau. Quel bateau? Quels documents? Mystère...
A 93 ans, en plus des sacs qu'elle coud avec la machine Singer que lui a laissé sa mère, elle tisse encore des assises de chaises.
La machine est bien là, devant ce qui ressemble à un autel dressé en mémoire de son mari...
Les chaises et les sacs étaient dans une pièce à l'arrière mais elle va les chercher et nous fait l'article...
Difficile de s'arracher, pourtant nous finissons par partir. Quelques mètres plus loin, nous rebroussons chemin, poussés par le remords de ne pas lui avoir proposé d'acheter un sac. Mais sa réaction au billet que nous lui tendons nous désarçonne : elle ne les vend pas, elle voulait juste nous les montrer. Société matérialiste, quand tu nous tiens...
Tchao Tolosa. Pas de bar ouvert en semaine. Dieu sait pourtant qu'une petite bière bien fraîche aurait été la bienvenue...
Pas de martins pêcheurs non plus sur la rivière autour du pont. Peut-être ne viennent-ils eux aussi que les week-ends? Dommage...
Heureusement, nous avons vu un couple de guêpiers voler un peu plus tôt sur le plateau...
Et nous surprenons ces 2 cabras montesas ou bouquetins ibériques qui détalent au dessus de nos têtes et grimpent droit dans la pente de la falaise. Vous voyez celui-là en bas à droite de la photo?
Des hirondelles nichent partout le long de la route, même si on les entend plus qu'on ne les voit.
Une femme que nous croisons, qui est née et a vécu les 88 premières années de sa vie à Tolosa nous parle aussi de le grotte en face : on l'appelle la cueva de la golondrina. C'était un repaire d'hirondelles et les hommes y descendaient pour ramasser la fiente et peut-être les nids d'hirondelles. En tous cas, c'est ce que nous avons compris...
Côté végétation, c'est de la folie et du délire autour de la rivière enchantée. Figuiers exubérants, certains couverts de figues de la Saint Jean, hélas nous ne sommes que mi mai, peupliers gigantesques qui dépassent largement de la canopée, innombrables grenadiers dont les fleurs orange vif pétardent sans complexe sur le vert cru des feuillages. À côté, les potagers cultivés paraissent bien trop sages et timides.
Retour à Alcalá et un panaché bien frais après plus de 16 kilomètres, moins de 200 mètres de dénivelé mais tout de même 5 heures de marche.
A suivre demain ou après-demain avec une nouvelle randonnée autour de Jorquera...
Bonne nuit!!!
Magnifique reportage, j’ai hâte de le découvrir !!!
Merci les amis !
Cathy
Quel plaisir de te lire au saut du lit. Quels tableaux plus beaux les uns que les autres...
Merci .