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Sur les sentiers de Quatretondeta à Els Frares

Dimanche 18 février, cap sur Quatretondeta et le massif de la Serrella. Ou devrais-je plutôt dire, cap sur le restaurant Ca Canyares? Une adresse ancrée dans le disque dur d'Henri-Claude depuis qu'une des sources très bien informées dont il a le secret lui en a parlé comme d'une des meilleures tables à la ronde. Ça fait plusieurs mois qu'il y pense et il a obtenu une réservation pour aujourd'hui. Une excellente raison pour organiser une reconnaissance à sept (pourquoi sept? et pourquoi pas sept d'abord?) dans le coin. Et découvrir de plus près cette formation rocheuse incroyable qui domine Quatretondeta, las Agujas de la Serrella (les Aiguilles de la Serrella), véritable forêt de pierres pour les uns, procession de moines pour d'autres, ce qui lui vaut aussi le nom d'Els Frares (los Frailes en castellano, les Frères en français).

Notre objectif se mérite et se laisse désirer : une heure et quart d'une route qui hésite entre belle et magnifique, et dont les derniers virages dévoilent les silhouettes et l'ampleur du décor minéral qui nous attend. Vous la voyez, l'armée d'aiguilles qui hérissent les flancs de la montagne ?



Nous aussi. D'ailleurs, on piaffe d'impatience tous autant que nous sommes, Marc, Michel, Marie, Bernard, Anne et moi, tandis qu'Henri-Claude prend tout son temps pour mettre au point et cadrer sa rituelle photo de départ de rando... Vivement qu'on démarre! Ça nous réchauffera. Le fond de l'air est plutôt frais dans cette ombre matinale peu clémente...



Ça y est!!! Le signal du départ est enfin donné. Les fauves sont lâchés!!! En d'autres termes, notre petite troupe de séniors en goguette s'ébranle gentiment sur les chemins bucoliques d'une campagne enchantée...



... peuplée d'oliviers au moins centenaires aux incroyables troncs sculptés,



...d'amandiers en fleurs à la beauté éphémère et de plus en plus rare d'ailleurs chez ces arbres qui eux vieillissent mal...



... et de lavoirs, tous construits sur le même modèle, désormais sans autre utilité que celle de décor et de rappel du passé, mais toujours aussi paisibles, harmonieux et photogéniques, surtout lorsqu'une randonneuse soi-disant égarée vient y jouer sa Manon des Sources...



Fin du chemin civilisé! Nous arrivons au pied de la montagne dans le royaume des pierriers. Ce crâne de sanglier posé sur un tronc d'olivier semble nous mettre en garde, style "Toi qui entres ici, abandonne toute espérance!!!" Il en faut plus pour émouvoir Marie qui rejouerait bien Hamlet si elle parlait anglais et si son bras était plus long... Mais aucun dialogue yeux dans les yeux n'étant possible avec un crâne de cette forme, elle se contente de le reposer sur son arbre et nous continuons notre petit bonhomme de chemin...



... sur le sentier des Aiguilles de la Serrella. Les choses sérieuses et l'aventure commencent!!!!



Dernier regard sur Quatretondeta blotti dans la plaine. Et c'est partiiiiiii!



Cela paraît simple vu comme ça... Mais pour atteindre ce sentier tracé à flanc de pierrier, il a fallu attaquer des pentes sans concessions ni virages, des pentes qui montent droit dans leurs bottes avec pour seule ambition de gravir un maximum de dénivelé en un minimum de temps. Et du coup, des pentes qu'il vaut mieux se farcir à la montée qu'à la descente! Ça tombe bien, nous n'avons pas prévu de repasser par là!



Les premiers géants de pierre sont à portée de photo. Mais le terrain n'est pas très stable et la pente est forte. L'équilibre est hasardeux et s'asseoir n'est pas une si mauvaise idée...



Sans compter que ça permet de se reposer quelques minutes avant de reprendre la piste...



Le plus sportif d'entre nous galope en tête... Il s'éclate, Marc, il se croit revenu dans ses montagnes françaises préférées, les vraies, celles qui montent bien au dessus de 1000 mètres...



Et nous, on suit tant bien que mal, surtout quand le sentier disparaît, englouti par le pierrier...



Ça, c'est le dernier cairn aperçu il y a quelques minutes. Depuis, plus rien, aucun point de repère... (il faut dire que baliser un pierrier avec des cairns, c'est un peu comme faire des pâtés de sable pour marquer son chemin dans le désert...). Plus de sentier non plus. Ou trop de sentiers qui partent dans tous les sens et finissent en eau de boudin, ce qui revient au même...



Alors forcément, il arrive un moment où rester debout devient difficile. Et voilà Marie assise à nouveau. Mais sans un minimum de terrain plat, se remettre sur ses pieds dans un éboulis n'est pas simple. Le sol est aussi mouvant qu'hostile. Pousser sur ses pieds ne sert qu'à faire partir des mini-avalanches et s'appuyer sur ses mains fait un mal de chien!!! Ne parlons pas de se mettre sur les genoux, même pas en rêve!!!!

Nous sommes trop loin devant pour être d'un quelconque secours (et trop vieux pour revenir en courant), sauf Michel (qui n'est ni loin ni vieux) mais opère un demi-tour très très prudent et Bernard (encore plus près mais un poil moins jeune) qui peine à stabiliser sa propre position. Le suspense est à son comble...



Heureusement, nous venons de croiser un groupe de randonneurs espagnols. Aussi paumés que nous dans leur traversée de ce pierrier retourné à l'état sauvage, mais nettement plus juniors. Et deux valeureux hidalgos, de très beaux bébés au demeurant, se précipitent au secours de la Belgique en détresse qu'ils remettent sur pieds. Sous l'oeil vigilant tout de même de Bernard... on n'est jamais trop prudent avec la fougue espagnole, hombre!!! et devant l'objectif indiscret d'Henri-Claude qui n'a pas manqué une miette du drame... on n'est jamais trop paparazzi, man!!!



Tout ça dans une pente qui frise l'indécence mais que les photos peinent à décrire... La preuve...

Vu comme ça, l'amphithéâtre de pierres devant lequel nous posons ressemble tout au plus à une cuvette ridicule...



Et là, on ne sait même pas si ça monte ou si ça descend!!!



Ah!!! Sur celle-ci au moins, y'a de la gîte. Le problème, c'est que même les aiguilles penchent. Du coup, on y croit moyen...



Et revoilà Marie assise!!! Décidément, ça devient une habitude. Mais cette fois, il y a une ébauche de sentier et tout devrait bien se passer...



De temps en temps, le minéral cède la place à un vague chemin en terre. Ça nous fait des vacances! Mais attention à ne pas glisser dans une pente trop forte ou se prendre les pieds dans des racines qui traînent. Mieux vaut attraper celles qui s'accrochent aux moines de pierre géants. En prenant un air décontracté pour la photo...



... avant de rejoindre le pierrier suivant... Nous n'irons pas plus haut. D'abord parce que nous n'avons pas trouvé de sentier qui nous conduise à coup sûr vers le sommet ou un quelconque col, ensuite parce que ce n'est pas au programme de notre reconnaissance. Peut-être une autre fois en ayant repéré au préalable les passages possibles...



Aujourd'hui, nous continuons tout droit, en profitant d'une sortie de pierrier pour une photo de groupe. Mais où est Bernard???



Il est un peu plus loin... En train d'admirer comme nous la plaine de Quatretondeta plantée d'oliviers et coupée en deux par un barranc presque infranchissable. Tout au fond, la silhouette du Montcabrer veille sur Cocentaina à droite et Alcoy à gauche. Il ne manque à la photo que le bruit agaçant de cette moto qui continue à tourner comme une mouche autour du village et à nous gâcher le silence, même à cette hauteur.



Pour une fois, les panoramas les plus dingues ne sont pas ceux que nous offre notre position en altitude mais les reliefs incroyables qui nous surplombent.



L'érosion a découpé n'importe comment la roche karstique, lui a fait des yeux de hibou, des oreilles d'éléphant, des capuchons de moine...



Flippant, non???



En fait, simplement géologique... Résultat d'un processus de transformation qui a commencé à l'éocène, il y a 40 à 56 millions d'années... Respect!!!!



On a beau le savoir, ça fait quand même peur... Ne vous retournez pas!!! Je crois qu'on est suivis...



Ne vous retournez pas, je vous dis!!! Si ça se trouve, il y en a qui se sont retournés et qui ont été transformés en pierre!!!



Et voilà !!! Qu'est-ce que je vous avais dit???

PAF!!!!! Transformés en pierre !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!



Fausse alerte! Il aura finalement suffi d'un peu de thé encore chaud, d'une banane, de quelques biscuits et d'une poignée d'amandes et de raisins secs pour rompre le sortilège et les remettre en mouvement! Et nous avec. Adieu pierriers et monstres karstiques... Nous retrouvons la vallée verte légèrement teintée de rose amandier... Et la lumière du soleil après une matinée passée à l'ombre de la montagne.

Et le silence, enfin. La moto s'est fatiguée de tourner ou alors elle n'avait plus de carburant.



Les oliviers ne sont pas les seuls centenaires par ici. Il y a aussi des chênes bicentenaires, comme la carrasca de la tia Sofía. 250 ans au compteur !!! La tante Sofía elle, en aurait 140 si elle était toujours de ce monde... Décidément, cette vallée adore raconter des histoires et Quatretondeta est un village bien sympathique et incarné...



A part quelques chats et 3 commères qui prennent le soleil devant l'église (la prochaine messe est programmée pour le 10 mars, elles ont le temps de s'en raconter des histoires, les commères, en attendant...), les rues sont vides...



Normal!!! Tout le monde est au restaurant, où nous retrouvons la plupart des randonneurs que nous avons croisés sur les pierriers ( le sentier de les Agulles de la Serrella est très fréquenté le dimanche...), mais aussi la source d'Henri-Claude (qui suit ses propres conseils)...



... et même les sauveurs de Marie. Quelle émotion les amis !!!!



Ca Canyares est le centre du monde de Quatretondeta le dimanche. The place to be!!! Pas étonnant tant l'accueil et les arroces sont fabuleux. Cet arroz a l'horno est de categoria...



Quant à cet arroz de montaña, noirci naturellement par le jus des fèves et des artichauts qui y ont mijoté, il est tout simplement inoubliable...



On reviendra, c'est sûr, pour goûter d'autres plats et même re-goûter au Pla de la Casa, qui ne se mange pas mais se grimpe, le plus haut sommet de la Serrella qui culmine à 1379 mètres et où nous avions eu si froid l'an dernier...



Et c'est ainsi qu'après un petit détour digestif pour rejoindre les voitures (merci Bernard!!!), histoire d'arrondir le parcours à 9 kilomètres, 500 mètres de dénivelé et 4h30 de marche tout compris, nous quittons cette vallée enchantée...



... et Quatretondeta, qui digère tranquillement son repas dominical dans la lumière de fin d'après-midi.



Clap de fin pour ce beau dimanche de rando découverte. C'était bien Anne???

Eh bien, figurez-vous qu'Anne a adoré... Dingue, non? Quatretondeta l'a sûrement ensorcelée...

Et elle n'est pas la seule si j'en crois les nombreuses réactions aux premières photos partagées par Henri-Claude.

À suivre donc pour peut-être une randonnée officielle de l'UFTM un jour prochain, en petit comité de marcheurs au pied sûr, pierriers obligent...


3 Comments


Denise Abril
Denise Abril
Feb 20

Quel beau reportage ! A voir et revoir... tu nous as aussi ensorcelés 🤩 c'est magnifique ! Et à ta belle et drôle prose s'ajoutent la beauté des lieux ... qui se méritent ! 👏👏👏

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rosejdg7
Feb 19

Quelle rando caucasse cette fois-ci ! Que de sensations fortes et de rigolades sous cette brume !

Merci Catherine, de nous faire revivre ces bons moments à travers cet agréable récit si bien décrit sous ta plume magique. Les magnifiques photos d'Henri Claude témoignent cette folle journée inoubliable ! Merci à vous deux .


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Marie Bodson
Feb 19

Et bien.. et bien...!!!! Toujours suc-cu-lent ici et là 🤣.....et encore là...... 😂🤣. Succulent tout le long 🤣🤣 et à tout propos 🤣😂 ! Bref, une sacrée rigolade..... à l'image de cette fabuleuse journée. Et les magnifiques photos d'Henri, toujours prises comme i faut et au bon moment (!!!)..... Henri toujours sur le pied de guerre, prêt et prompt à illustrer ... et authentifier (de si belle façon !) les dires parfois délirants de sa Muse.... On peut dire que vous y mettez du vôtre 👍. Merci à tous les deux 🙏

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